Si je suis ici ce soir, c’est pour vous parler en quelques mots de mon arrière-grand-père, Eugène Lambot. Bien sûr, ni mon papa ni moi n’avons eu la chance de le connaître mais notre enfance a été bercée par les dires de ma grand-mère, sa fille, Eugénie qui vouait une réelle admiration à son papa.

Ma grand-mère n’a connu son papa qu’amoindri et diminué par les effets de la guerre et par les trois blessures dont il fut victime, surtout la dernière qui le laissera infirme à 90 %, en raison des 18 blessures qu’il a subies. Pourtant ma grand-mère m’a toujours parlé de lui comme de quelqu’un de courageux, aimant la vie et luttant chaque jour pour continuer à vivre dignement.

Ne sachant plus se servir de son bras droit, il n’a pas lâché prise et a appris à écrire à la main gauche. C’est en se servant d’une écriture qui, à force d’efforts, était devenue superbe qu’il est devenu secrétaire communal à Somzée.
Ne sachant plus marcher correctement, il se déplaçait grâce à une charrette tirée par un Saint-Bernard nommé Joly, il reçut ensuite une voiture que seule ma grand-mère pouvait conduire. Ils passaient beaucoup de temps ensemble et se confiaient l’un à l’autre.

Toujours avec beaucoup d’émotion, ma grand-mère me racontait les tranchées, le froid, les orteils gelés, les gaz allemands qui brûlent les poumons et la misère de ces quatre longues années de guerre mais elle me racontait aussi le courage, l’abnégation, l’empathie dont son papa avait fait preuve pour mener sa vie d’après guerre.
Elle me racontait aussi la rencontre entre ses parents à l’hôpital militaire. Mon arrière-grand-père a survécu à la guerre jusqu’en 1937 sans jamais se plaindre mais en rappelant quotidiennement à ses enfants ce qu’est vraiment la misère quand ils rouspètaient pour aller chercher le bois ou faire leurs corvées.

Il s’est éteint calmement et silencieusement à l’âge de 47 ans, brisé, handicapé, infirme et suffoquant à chaque respiration.

Mon arrière-grand-père, Eugène Lambot ne mesurait qu’1m61 mais c’était un grand homme car c’est grâce à des gens comme lui que notre peuple et nos valeurs démocratiques existent encore aujourd’hui, nous ne devons jamais oublier que notre liberté repose sur la souffrance de tous ces hommes et femmes qui ont donné leurs vies pour sauver la nôtre.

 

(s) Christine Lauvaux Le 14 septembre 2018